Avec Sega aux commandes, la Dreamcast a été conçue de sorte qu’elle ait à sa disposition de nombreuses innovations dans la poche. J’ai nommé, la fonction online grâce à son modem enfiché dans un port situé sur le côté du boîtier. Ainsi, après des années de tentatives d’intégration de la fonctionnalité online par les fabricants de consoles, la Dreamcast arrive avec un système d’accès à Internet fiable comme il ne l’avait jamais été auparavant. C’est en 1999 qu’elle sort en grande pompe aux États-Unis et en Europe, appuyée par une campagne marketing aux moyens gonflés afin que le retour de Sega après l’échec de la Saturn soit remarqué. Il est ainsi question de 100 millions de dollars pour le lancement américain et 585 millions de francs (90 millions d’euros) pour celui européen, du jamais vu auparavant, même pour la PlayStation première qui avait été lancée accompagnée d’un budget marketing de « seulement » 40 millions de dollars1.
De plus, Sega peut compter sur une figure de poids de l’industrie informatique : Microsoft. La firme de Bill Gates soutient en effet la Dreamcast en la dotant du système d’exploitation Windows CE, en complément de celui développé par Sega, SegaOS, pour permettre un portage facile des jeux PC2.
SEGA commence à grignoter quelques parts de marché au détriment de Sony et de Nintendo et réalise quelques profits tant espérés en vendant ses jeux, notamment certains comme Sonic Adventure qui permet à la firme d’engranger 98 millions de dollars de bénéfices en un seul jour3. Malgré cela, nous pouvons dire que la firme part presque de zéro depuis le désastre commercial et critique de la Saturn.
D’ailleurs, après des semaines prometteuses au début, Sega voit le retour de son démon, Sony, qui contre-attaque sérieusement à coup d’annonces autour de sa prochaine console, la PlayStation 2. De plus, la Nintendo 64 et la PlayStation proposent toujours des jeux très attrayants à Noël 1999, empêchant la Dreamcast de dominer le marché à cette période précise où elle est encore la seule console next-gen en lice. Il faut dire aussi que les fonctionnalités online promises arrivent tardivement puisqu’il faut attendre le milieu de l’année 2000 pour pouvoir jouer aux premiers jeux intéressants en bénéficiant. En plus, les jeux avec l’option multijoueur n’étaient pas nombreux. La fin prématurée de la machine a de surcroît privé l’option tant attendue pour plus d’un titre comme Outrigger, un FPS similaire à Quake, douchant toutes les attentes des fans du jeu en ligne4.
Il faut ajouter qu’en 2000 l’accès à Internet était quasi inexistant, surtout en Europe où le paiement des communications locales pour se connecter au réseau était très dissuasif, du haut de leurs 18F/h en plein tarif et 10F/h en heures creuses, et où le Minitel est encore privilégié par rapport à Internet5.
Mais surtout, la Dreamcast n’a pas su convaincre autant que les dirigeants de la firme l’espéraient et son succès a été empêché par la PlayStation première ainsi que la Nintendo 64, mais surtout par la PlayStation 2 qui a porté le coup fatal dans chaque région du globe peu de temps après sa sortie. En cause : le marketing impitoyable et bien préparé de Sony et la possibilité de lire des DVD que n’avait pas la Dreamcast, alors que ce nouveau format rencontrait un succès fulgurant en seulement trois ans d’existence. Sega a bien fait des annonces autour d’une hypothétique Dreamcast 2 dotée d’un lecteur DVD et d’autres atouts comme le dézonage des jeux et la compatibilité avec le Super Vidéo CD (un format alternatif au DVD), mais le fabricant accusait déjà des pertes financières intenables, le poussant à tout abandonner6. C’est ainsi que face au succès fulgurant de la PlayStation 2 et l’annonce de consoles concurrentes comme la Dolphin de Nintendo (future GameCube) et la première Xbox de Microsoft, Sega ne peut plus supporter sa machine qui a cessé d’être produite en début 2001.
La publicité ci-dessous est assez originale car il n’est pas question de promouvoir un seul jeu vidéo. Pour la Dreamcast, Sega a en effet particulièrement misé sur l’aspect réseau de la console et sa capacité à se connecter aux récents réseaux issus d’Internet. Donc la Dreamcast est ici présentée comme une console pouvant être utilisée tel un ordinateur, ce qui est révolutionnaire évidemment, même si la communication fondée sur cet élément n’est pas celle qui intéresse forcément le plus les joueurs de jeux vidéo.
- ESTADIEU Roméo, La guerre des consoles dans la presse vidéoludique française. De la fin des années 1980 eu début des années 2000, Toulouse, CoolLibri.com, 2023, p. 171-172. ↩︎
- LE BRETON Jean-Louis, SPERANZA René, Manettes & pixels : histoire du jeu vidéo & retrogaming, Toulouse, Éditions de la Vallée heureuse, 2015, p. 254. ↩︎
- S.N., « Sega, la résurrection », Consoles+ n° 94, novembre 1999, p. 59. ↩︎
- ESTADIEU Roméo, op. cit., p. 59. ↩︎
- S.N., « Dreamcast : jusqu’au bout de vos rêves », Consoles+ n° 93, octobre 1999, p. 77. Et pour plus de détails, voir notamment ESTADIEU Roméo, op. cit., chapitre 2, B, sous-partie 6. ↩︎
- Ibid., p. 101-102. ↩︎